Présentez-vous en quelques mots
J’ai 26 ans, j’ai grandi en région parisienne et je suis militante sur les sujets de climat depuis que je suis en terminale. J’ai notamment (modestement) pris part à l’organisation de la COY11 en parallèle de la COP21 et participé à une campagne de « divestment » avec 350.org. Après des études généralistes assez classiques (prépa / école de commerce), même si elles avaient déjà une grosse couleur « critique » (ce qui est moins classique), j’ai entrepris plus radicalement de devenir plus partie de la solution que du problème, selon les mots d’Holmgren: en me formant à la permaculture de façon poussée et suivie, à l’agriculture (que j’ai choisie comme sujet d’expertise), et surtout en continuant de réformer intégralement ma vie sur tous les plans (personnel, professionnel, familial, social).
Pourquoi avez-vous choisi de rejoindre Résistance Climatique?
J’ai signé l’appel peu de temps après sa sortie car je me reconnaissais dans les engagements proposés. Je crois beaucoup en la pertinence – qui me semble même une nécessité – de se mettre en cohérence au niveau individuel par rapport aux revendications que l’on porte sur le plan collectif. Dire qu’il faut baisser notre empreinte carbone, c’est bien, mais montrer la radicalité des changements que ça implique concrètement et rassurer tout le monde sur le fait qu’on peut le vivre très bien, c’est encore plus important! J’avais envie de soutenir ce mouvement, d’entrer dans ce réseau et de contribuer à l’incarner.
Sur le 1er engagement (ne plus prendre l’avion et rouler en voiture moins de 2000 km/an/pers), qu’est-ce que cela change (ou va changer) concrètement pour vous ?
J’ai fait le choix de ne plus prendre l’avion en 2013, ce qui était au départ une mise en cohérence un peu forcée et difficile, mais s’est avéré un vrai cadeau, ne m’empêchant pas du tout de voyager… juste différemment! J’ai fait le tour des Etats-Unis en train et traversé deux fois l’Atlantique en bateau (cargo… mon rêve et l’idéal aurait été de le faire à la voile, mais c’était déjà une expérience extraordinaire!).
J’ai surtout changé ma façon d’envisager le voyage. Je n’exclus pas en principe les longs voyages, mais je leur consacre beaucoup de temps (plusieurs mois ou années sur place après les longs trajets). J’ai fait de magnifiques rencontres de personnes qui faisaient du bateau-stop (en partant de l’Espagne, ou dans le Pacifique), ou de grands voyages en vélo (Singapour-Paris, tours de l’Amérique Latine), ou même à pied (Paris-Jérusalem, chemin de Compostelle, etc.).
Par ailleurs, je n’ai jamais eu de voiture et je ne me déplace que très très rarement en voiture (peut-être une fois par mois en moyenne en covoiturage sur des petits trajets <100km? et encore). J’espère pouvoir continuer comme ça longtemps. Je n’ai pas peur du tout des longs trajets à vélo ou à pied (« longs », tout est relatif). Je n’ai jamais trop vu d’endroit en France qui ne soit pas accessible à moins de 2h à pied ou à vélo d’une gare ou d’un arrêt de bus. Aujourd’hui, je peux donc aller partout où je veux aller sans voiture, et je trouve même que c’est un mode de déplacement très « doux » pour moi aussi! La limite: je n’ai pas d’enfant et j’habite en ville. Déplacer des petits pour l’école, faire des courses à la campagne surtout en zone montagneuse, ça peut être un vrai défi, j’en suis bien consciente…
Mes pistes d’amélioration / de vigilance:
– attention à garder ce mode de vie si je suis amenée à déménager en zone plus rurale, car je n’ai pas l’habitude de compter mes km en voiture. Mais je prévois de choisir mon futur logement principalement pour sa proximité avec une gare.
– attention à réduire mes déplacements tout court. J’ai sûrement moins besoin de bouger que je ne le fais, il y a beaucoup de choses autour de moi, même si ma famille et mes amis n’habitent pas tout près! Le critère « proximité » n’est pas toujours celui qui l’emporte dans mes choix d’activité. La marche et le vélo en partant de chez soi, pourtant, c’est super!!
Sur le 2e engagement (se nourrir d’aliments 100 % bio, locaux, de saison, en mangeant de la viande 1 à 2 fois par mois au plus), qu’est-ce que cela change (ou va changer) concrètement pour vous ?
Je privilégie le bio local de saison depuis 2015 je dirais. J’ai eu des problèmes d’anémie au début car j’avais arrêté les produits animaux assez rapidement, à peu près en même temps que ma transition vers le bio local, sans être très formée sur les ajustements nutritifs nécessaires. C’était une bêtise dangereuse pour ma santé!
Aujourd’hui, je me sens bien formée (pas trop dur, je trouve ça passionnant!) et je pense manger très équilibré grâce aux diverses céréales, légumineuses, graines oléagineuses, huiles et algues que je consomme au quotidien. Je suis très contente de ce que je mange et j’adore cuisiner! C’est une activité ludique et créative qui me détend, depuis que j’ai plus de connaissances et de contrôle sur ce que je mange.
Je connais les producteurs / distributeurs / restaurateurs de bio local, je me sens beaucoup plus enracinée avec ce type de consommation.
Ce qui reste non local: certaines épices (même si j’apprivoise de mieux en mieux les herbes et condiments locaux!), du chocolat peut-être une fois par mois, de la vanille quelques fois par an, du gingembre régulièrement (quand je suis malade), certaines graines (sésame… mais c’est ma principale source de calcium en zéro déchet!).
J’aimerais produire plus moi-même, ou contribuer à la production. Je prends beaucoup de plaisir à travailler avec des producteurs et récupérer une partie de la production. Le manque d’un terrain me freine sur mon autonomie personnelle.
Je mange des produits animaux de temps en temps, mais c’est assez rare: oeufs/fromage toutes les deux semaines, viande parfois chez des gens qui nous invitent (jamais chez nous ni au resto). Je pense que se passer de produits animaux n’est pas très dur si on se fait confiance pour essayer plein de choses avec une approche de cuisine créative !
Piste d’amélioration: le cahier des charges du label AB est bien sûr loin d’être la panacée… Le mieux est d’aller bien plus loin, notamment en cherchant à avoir un sol vivant! Un critère de discernement en plus à avoir en tête si on connaît suffisamment les producteurs… ou pour produire soi-même.
Sur le 3e engagement (ne plus acheter de neuf, en particulier d’appareils électroniques neufs), qu’est-ce que cela change (ou va changer) concrètement pour vous ?
C’est un réflexe que j’ai depuis 2014-2015 je dirais. J’ai commencé par les habits et tous les petits objets du quotidien (ustensiles de cuisine, outils, matériel de vélo ou de randonnée, etc.).
Je n’ai jamais été une grosse consommatrice de matériel électronique et j’ai toujours essayé de prolonger la durée de vie de mon matériel, mais c’est sur ce plan que j’ai le plus progressé avec Résistance Climatique, en me rendant compte de l’impact de ces high tech et en découvrant nombre de solutions (location d’appareils électroniques, solutions de réparation, logiciels libres pour lutter contre l’obsolescence programmée des software, etc.). Jusqu’à présent, j’achetais quand même si c’était moins cher que de réparer.
Je n’ai pas de machine à laver. J’espère pouvoir toujours avoir recours à une laverie de proximité ou du matériel mis en commun, je trouve ça un peu bizarre la machine à laver individuelle, où alors des systèmes plus low tech. J’essaye de me passer du frigo autant que possible, mais je suis limitée par le manque d’espace de stockage (cave fraîche ou lieu d’entreposage non-chauffé et pas trop humide).
Mes limites:
– J’achète quand même neuf si je ne trouve pas d’alternative correcte les objets qui s’usent et arrivent en fin de vie après réparation(s) (outils, collants, chaussures, etc.). Dans ce cas, j’essaie de prendre le meilleur produit en rapport impact environnemental de fabrication / durée de vie que je trouve.
– J’achète parfois des livres / magazines neufs s’ils viennent de sortir et que je veux contribuer à leur succès!
– J’utilise encore quelques consommables à durée de vie limitée: brosse à dents, éponges.
– De façon générale, si je ne trouve pas d’occasion, j’achète neuf! C’est rare, mais ça m’est quand même arrivé cette année pour du matériel de rando.
Sur le 4e engagement (demander à l’État et aux entreprises de tenir l’engagement de la France en divisant par 4 nos émissions de gaz à effet de serre), qu’est-ce que cela change (ou va changer) concrètement pour vous?
J’ai pas mal de travail à faire sur ce volet car je ressens souvent en ce moment une grande lassitude du combat politique. En même temps, je constate que je ressors toujours redynamisée d’événements de mobilisation collective!
Je continue de signer des pétitions à tour de bras et à voter avec discernement à toutes les élections. J’essaye de m’impliquer dans divers mouvements climat, notamment celui-ci, en participant aux échanges, à autant de réunions et d’événements que je peux en suivre.
En même temps, j’essaye de bien reconnaître les moments où je peux être forte (donc utile au groupe) et ceux où je suis fatiguée / lasse (donc où je ferais mieux de ne pas peser dans le groupe) et d’appréhender mes limites sur la prise de risque dans l’action collective.
J’aimerais organiser plus d’actions locales, mais je manque d’enracinement (arrivée depuis peu, déménagement à venir bientôt). Je pense que c’est le plus important et le plus gratifiant que de faire des choses avec des visages connus et proches de soi géographiquement! C’est ce que je préfère en tout cas.
Quelles satisfactions et frustrations ces engagements vous apportent-ils au quotidien ?
Je me sens parfois un peu seule dans mes engagements auprès de mes proches. Et j’ai du mal à trouver un équilibre professionnel compatible avec les engagements que je veux incarner.
Mais je me sens immensément fière et heureuse d’être aussi libre et maîtresse de ma vie, et surtout engagée pleinement pour ce que je crois être juste. J’ai acquis tellement de connaissances qui me rendent plus autonome, rencontré tellement de belles personnes qui mettent une énergie incroyable à un engagement intégral…
Je me sens profondément à un point d’harmonie entre ce que je voudrais être au monde et ce que j’entreprends. C’est très, très heureux, et j’apprends et reçois beaucoup, beaucoup! Et que de joie dans l’approfondissement de la lenteur, de la densité de l’espace (le très proche est parfois un grand inconnu…), de l’ancrage local, de la conscience politique…
Quel lien souhaiteriez-vous avoir avec d’autres résistants climatiques ?
J’aimerais que l’on partage nos satisfactions et frustrations, que l’on s’entraide et que l’on agisse ensemble pour:
– rayonner en divers points d’ancrage local;
– susciter des mobilisations collectives.
J’apprécie aussi le partage de connaissances de fond et d’outils pour soutenir l’engagement.
Avez-vous autre chose à ajouter ?
Je suis tellement persuadée que la résistance climatique (choisie donc, pas subie) est une voie très heureuse que je la souhaite à tout le monde! Empressons-nous donc de l’adopter, d’autant qu’autrement, les circonstances nous obligeront à des ruptures bien plus brutales et difficiles. Et soyons persévérants! Il s’agit surtout de tenir dans la durée.