Nous, résistantes et résistants climatique, avons imaginé une stratégie pour réussir l’impossible : transformer la société pour qu’elle adopte un mode de vie bas carbone, compatible avec un changement climatique qui n’excède pas les 2°C avant la fin du siècle. Avec ces stratégies viennent des actions concrètes, une transformation profonde de nos vies pour résister aux grands défis du XXIème siècle que nous vivons d’ores et déjà.
Cette stratégie a fait l’objet d’une publication de tribune dans l’édition papier du Monde du vendredi 19 mars 2020 et en accès libre sur le site de Reporterre avec de nombreux signataires soutenant la démarche.
Nous partons de l’idée qu’il est possible de maintenir une vie digne et heureuse sur Terre.
Nous pensons que le drame climatique qui se profile est à la fois un défi immense et une formidable opportunité.
Le défi de l’exigence, de la rigueur, de l’honnêteté, du courage, et de la justice sociale mondiale.
L’opportunité d’inventer un monde nouveau, joyeux, solidaire, juste, respectueux de la nature et des humains qui la peuplent. Un nouvel imaginaire qui ne vise pas moins que le bonheur, loin des plaisirs matériels et fugaces qui nous en privent.
Nous nous battons CONTRE ce qui détruit la vie. Nous nous battons POUR ce qui la préserve.
Nous travaillons à bâtir un rapport de force politique qui exige de sortir du productivisme et consumérisme destructeurs en déconstruisant le système économique actuel.
Notre ennemi est la norme sociale actuelle (pavillon neuf, une à plusieurs voitures, vacances lointaines, production et consommation sans limites, …), c’est à dire nos comportements et non l’individu. Résistance Climatique entend donc participer à détruire la norme sociale actuelle, ringardiser les comportements consuméristes, et refonder le système économique et politique.
Nous tenons compte des constats effrayants que les scientifiques (le GIEC et l’IPBES entres autres) formulent sur le changement climatique et la 6ème extinction de masse en cours. Partant de l’objectif annoncé par ces scientifiques, nous développons une stratégie visant à une victoire climatique et nous agissons résolument pour rendre possibles les immenses transformations de nos vies et de nos sociétés.
Le mouvement Résistance Climatique a pour raison d’être de faciliter tous les changements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) rapidement (inversion de la pente avant 5 ans) et de grande ampleur pour tenir les engagements pris à la COP21, incarnant l’impératif scientifique.
Le but de cet engagement est de permettre l’adaptation de la vie humaine et de beaucoup d’espèces à des conditions difficiles, mais viables (une limitation du réchauffement climatique à +2°C, voire +1,5°C).
La logique de continuité, le « Business as Usual » (qui se traduit dans une augmentation continue des GES), mènent à un emballement climatique (de +4 à +7°C en 2100) qui placerait les trois quarts de l’humanité en situation impropre à la vie humaine et entraînerait la disparition de la majorité des espèces vivantes : on parle ici de guerres, famines, maladies, réfugiés climatiques, et ce, partout dans le monde.
Prétendre trouver dans le temps imparti le miracle technologique qui permettrait à l’humanité de vivre comme le français moyen est une chimère. Il serait suicidaire de miser l’avenir sur l’incertain.
Face à ce défi, beaucoup se cachent dans le déni, d’autres se figent dans l’impuissance de l’angoisse, et certains, envahis par un mélange de colère et d’optimisme, décident d’agir ici et maintenant. Il faut une minorité suffisante pour générer le changement nécessaire dans toute la société, l’Histoire nous dit entre 5% et 30% de la population. Pour rassembler, notre combat doit être aussi cohérent que désirable. Nombreux sont les résistantes et résistants climatiques qui s’ignorent, et nombreux sont ceux qui ne l’envisagent pas encore comme un mouvement efficace et désirable. La lucidité ne suffit pas à gagner, prenons soin des résistantes et résistants actuels et futurs en construisant un réseau solide.
Partageant la même atmosphère, tous les humains doivent donc s’aligner sur les contraintes bio-géo-physiques. Résistance Climatique ajoute un objectif d’équité pour une justice sociale mondiale. Tout cela implique de contraindre nos émissions à moins de 2T de CO2e par humain par an. Notre mouvement met au cœur de sa stratégie la justice avec les 5,5 milliards de personnes qui vivent avec moins de 400$/mois.
Cette traduction basée sur les travaux des scientifiques et les accords de la COP21 signés à Paris par 195 pays en 2015, est déclinée en France dans la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC). Elle impose une division par « 6 et plus » de notre empreinte carbone (et non des seules émissions territoriales) pour atteindre la neutralité d’ici à 2050.
En octobre 2018, nous lancions l’appel à entrer en Résistance Climatique centré sur l’engagement à la mise en cohérence personnelle via « les quatre actions » RC pour aller vers un mode de vie à moins de 2T CO2e/humain/an :
– Transports : ne plus prendre l’avion et rouler moins de 2 000km/an en voiture
– Alimentation : me nourrir d’aliments locaux, de saison, 100 % bio, en mangeant de la viande 1 à 2 fois par mois au plus
– Consommation : défi « Rien de neuf ? » de Zéro waste France : ne plus acheter neuf (notamment ordinateurs, écrans, smartphones…)
– Influence : témoigner de mon engagement dans mon entourage et réclamer à l’État et aux entreprises de tenir l’engagement de la France en divisant par 6 nos émissions de gaz à effet de serre
Ces quatre actions n’ont rien d’exhaustif, mais elles sont un minimum incontournable pour pouvoir atteindre 2T CO2e/humain/an. Une démarche plus complète est proposée dans le livre « Sauvons le Climat, 10 actions pour entrer en Résistance Climatique ».
Nous invitons toute personne consciente et volontaire dans cette démarche à nous rejoindre dès lors qu’elle commence à baisser ses émissions.
Ces quatre actions ont plusieurs objectifs :
– faire connaître les ordres de grandeur des changements nécessaires,
– déplacer le débat vers une décroissance énergétique et matérielle,
– permettre de rassembler des personnes fortement engagées et convaincues que cohérence personnelle et action collective (4e action) se renforcent l’une l’autre,
– lancer un travail de recherche et d’invention collective pour mettre au point des modes de vie du futur (post-pétrole),
– incarner les changements que nous réclamons pour commencer à réduire ses émissions,
– montrer que ces changements nécessaires sont désirables, et que, si la décroissance énergétique et matérielle s’oppose parfois au plaisir immédiat, elle permet d’aller vers plus de bien-être émancipateur.
Cette première phase a permis d’atteindre et de dépasser ses premiers objectifs (nous visions un minimum de 300 signataires ; nous sommes aujourd’hui déjà plus de 1 600). Elle reste toujours en cours et son rôle reste essentiel durant les phases suivantes.
En s’appuyant sur les résistantes et résistants, nous dialoguons avec d’autres mouvements dans le but de relier et d’aligner nos argumentaires concernant la réduction des émissions de GES et les changements de mode de vie associés. Résistance Climatique participe à des événements d’autres organisations en portant la composante décroissance des émissions pour faire avancer l’alliance entre la cohérence personnelle nécessaire et l’action collective.
Plus nombreuses seront les organisations à délivrer le même message, plus il y aura une chance qu’il devienne recevable. Un des buts intermédiaires étant que, d’ici 1 à 3 ans, plus personne ne puisse être pris au sérieux sur le climat sans annoncer clairement des moyens concrets de réduire les émissions (ce qui revient à entraîner toute la sphère écologique à assumer l’incontournable décroissance énergétique à venir et à en faire un projet).
Cette phase est en cours à des degrés divers avec : XR, ANV-COP21, Rester sur Terre (Stay Grounded), TaCa, Citoyens pour le climat, Villes en Transition, Paris sans voiture, Youth for Climate, La Fresque Du Climat…
En parallèle, nous devons « nourrir » les résistantes et résistants. Il s’agit de travailler à rendre concrets et intelligibles les bénéfices d’un mode de vie à moins de 2T CO2e/humain/an : plus de temps, moindre dépendance à l’argent, plus de liberté, plus de liens entre humains et avec le vivant, plaisir d’être dans la nature, reprise de contrôle sur sa vie (autonomie)… C’est ici que nous devons construire ce nouvel imaginaire indispensable à notre réussite et le faire savoir ! Témoignages, poèmes, chansons, dessins, sculptures… tout ce qui permettra de lui donner forme renforcera notre mouvement. Nous nous associons à la promotion des alternatives existantes qui visent plus de liens et moins de biens : Villes en transition, Permaculture, Zads, Sobriété heureuse, Simplicité volontaire, Oasis…
Une grande part de la population n’est actuellement pas prête aux changements nécessaires dans le temps imparti pour maintenir le réchauffement sous la barre des +2°C (voire +1,5°C). Atteindre cet objectif implique d’assumer la part de conflictualité qui en découle avec soi-même et son entourage.
Les résistantes et résistants, familiers de l’engagement et des tensions, sont une base fiable pour faire avancer des campagnes revendicatives et normatives. Les pressions sur des candidats en campagne électorale ou encore la campagne « Atterrissage express » visant la fin de l’aviation, sont des premiers pas en cours de préparation. Il faut une victoire suffisamment surprenante pour pulvériser la « normalité ». Nous l’obtiendrons en travaillant à créer des alliances avec de nombreuses autres organisations pour accroître le rapport de force et permettre ainsi, une victoire décisive pour le climat ouvrant d’autres possibles.
Cette phase est en cours, elle est décisive quant à la bascule possible vers un monde bas carbone. D’autres campagnes suivront pour inverser durablement la courbe des émissions de GES.
Seule cette phase peut mener à des victoires significatives, c’est à dire préservant la biosphère et la possibilité de vie [humaine] digne sur Terre. Elle est aujourd’hui pour la majorité inimaginable. Elle reste l’objectif qui oriente tous les efforts de Résistance Climatique. Elle comprend :
– une vaste campagne d’information pour faire la pédagogie nécessaire,
– de l’assistance et de la solidarité pour permettre à la population de bien vivre les bouleversements en cours,
– la mise en place d’alternatives matérielles, techniques, organisationnelles (relocalisation de l’économie, amélioration du lien social et des métiers relationnels, télétravail, transports doux, agroécologie bas carbone, isolation massive des bâtiments, informatique très basse énergie, low-tech…),
– réduction des inégalités en commençant par les plus riches,
– un volet contraignant de type législatif et/ou rationnement énergétique (taxe carbone sur le kérosène, limitation de la puissance et du poids des véhicules, réduction drastique de la consommation de viande, des engrais minéraux et des pesticides, quota carbone…) pour refondre nos sociétés en accompagnant les plus fragiles.
Cette dernière phase constitue le déploiement mondial de la stratégie précédente. Ici l’enjeu est d’entraîner tous les pays dans cet objectif pour une meilleure justice sociale mondiale : beaucoup devront réduire leurs émissions de GES quand d’autres pourront les augmenter (jusqu’à 1 à 2T CO2e/humain/an) pour accéder à un meilleur confort de vie (santé, alimentation, éducation, émancipation…).
Cette étape nécessite une alliance de tous les pays engagés dans la diminution de leurs émissions pour exercer une forte pression mondiale sur les pays dont les émissions croissent encore.
Vraisemblablement, cette dernière phase ne concernera plus Résistance Climatique qui, dans le meilleur des cas, aura contribué à la rendre possible. Dans le pire des cas, si d’ici 10 ans, nous n’arrivons pas à réduire drastiquement les émissions de GES, nous aurons perdu. Compte tenu des effets d’emballement possibles et attendus [boucles de rétroaction, et points de bascule], dépasser les +2°C c’est jouer à la roulette russe avec le vivant. Cette bataille conditionne toutes les autres, il faut impérativement la gagner !
Le succès de cette étape traduisant le message scientifique est conditionné par la division par 2 d’ici 2030 des émissions mondiales de GES puis la neutralité carbone d’ici à 2050.
Résistance Climatique exhorte, ici et maintenant, à la cohérence personnelle DANS l’action collective : la cohérence est le premier pas insuffisant mais nécessaire d’une mobilisation collective victorieuse.
Cette stratégie a fait l’objet d’une publication de tribune dans l’édition papier du Monde du vendredi 19 mars 2020 et en accès libre sur le site de Reporterre avec plus de 2000 signataires soutenant la démarche dont 3 organisations :
Prénom | Nom | Titre |
Gildas | Véret | Permaculteur co-fondateur de Résistance Climatique |
Agnès | Sinaï | Fondatrice de l’Institut Momentum |
Gaël | Giraud | Directeur de recherche CNRS |
Marie-antoinette | Mélières | Physicienne, climatologue |
Pablo | Servigne | Chercheur interdépendant |
Marie | Sabot | Co-fondatrice de We Love Green |
Bruno | Latour | Sociologue, anthropologue, philosophe |
Cécile | Renouard | Philosophe, Fondatrice Campus de la Transition |
Aurélien | Barrau | Astrophysicien |
Delphine | Grinberg | Co-fondatrice de Paris sans voiture |
Yann | Arthus Bertrand | Photographe |
Françoise | Vernet | Présidente de Terre & Humanisme |
Pierre | Rabhi | Paysan, agroécologiste et écrivain |
Magali | Payen | Fondatrice d’On est prêt |
Vincent | Verzat | Youtubeur militant |
Stéphanie | Monjon | Enseignante-chercheuse en économie |
Dominique | Bourg | Professeur Honoraire à l’Université de Lausanne |
Marie | Toussaint | Fondatrice de Notre affaire à tous |
Maxime | de Rostolan | Fondateur de ferme d’avenir |
Charlotte | Marchandise | Entrepreneur, Candidate à la présidentielle désignée par LaPrimaire.org 2017 |
Cyril | Dion | Réalisateur et militant écologiste |
Elsa | Kissel | Cofondatrice de lobby-citoyen.org |
Claire | Carré | Formatrice en intelligence collective |
Arthur | Keller | Expert en résilience |
Yves | Cochet | Président de l’Institut Momentum |
Cédric | Ringenbach | Créateur de la Fresque du Climat |
Arlette | Rohmer | Fondatrice, gérante « les Jardins de Gaïa » |
alias Damien | Kalune | Chanteur engagé |
Alice | Canabate | Sociologue, Vice-Présidente de la Fondation d’Ecologie Politique |
Mathieu | Labonne | Co-directeur Colibris |
Felix | Lallemand | Docteur en écologie |
Nicolas | Meyrieux | Humoriste d’investigation |
Nicolas | Vallée | Coordinateur politiques climat-air-énergie collectivités à l’Ademe |
Eric | Lombard | Coordinateur de Rester sur Terre (Stay Grounded) |
Pascal | Hugo | Ingénieur agronome |
Jean | Sireyjol | Fondateur de TaCa (agir pour le climat) |
Jean-Luc | Girard | Directeur de la revue Passerelle Eco |
Clément | Sirgue | Educateur environnement – La rabouilleuse Ecole de Loire |
Antoine | Rochard | Chargé de projet – Good Planet |
Marc | Chenevier | Physicien |
Xavier | Ricard Lanata | Ethnologue, philosophe, essayiste et haut fonctionnaire |
Ivan | Maltcheff | Coach en accompagnement au changement auteur des Nouveaux collectifs citoyens |
Rémi | Filliau | Formateur à la Désobéissance Civile |
Matthias | Castaing | Porte-parole d’ANV-COP21 Tours |
Victor | Vauquois | Partageur chez PartagerCSympa |
Alexandre | Monnin | Philosophe |
Jérémie | Pichon | Auteur Famille Zéro Déchet |
Cathy | Descamps-Large | Enseignant chercheur en sciences de l’environnement |
Camille | Etienne | Activiste, fondatrice du mouvement Atterrissage |
Milena | Till | Ingénieure Agronome |
Charles Adrien | Louis | Cofondateur du cabinet B&L évolution |
Léa | Vasa | Elue en charge de l’ESS et du climat |
Charles | Fournier | Vice-président de la Région Centre-Val de Loire |
Claire | Véret | Permacultrice et administratrice territoriale |
Florent | Massot | Editeur |
Fabien | Vermot | Co-fondateur Tookki |
Samuel | Vincent | Co-fondateur Belle Factory |
Marie | Floquet | Sinny&ooko |
Camille | Guitteau | Co-directrice Bye Bye Plastic Foundation |
Aurélien | Bigo | Chercheur climat et transport |
Justine | Davasse | Auteure du Guide des Mouvements Zéro |
Notes et références :
– GIEC ou IPCC en anglais : Groupe d’experts Inter-gouvernemental sur l’Evolution du Climat
– IPBES : Plateforme Intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques
– SNBC – Stratégie Nationale Bas Carbone : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc
– COP21 – Accord de Paris : https://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_de_Paris_sur_le_climat#Objectifs
– Différence entre empreinte carbone vs émissions territoriales
– Rapport de la FAO : http://www.cadtm.org/Les-inegalites-dans-le-monde
– Emballement possible (boucles de rétroactions, planète étuve…) et trajectoire actuelle selon la NASA ou selon l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et un exemple de différence de 0,5°C avec le rapport spécial du GIEC SR15 (nov. 2018) qui explicite la différence entre 1,5°C et 2°C.